Je rouvris les yeux et
regardai Ethan avec surprise. Ce dernier affichait toujours son sourire
bienveillant. Je frottai mes mains moites l’une contre l’autre, comme si ce
simple geste pouvait ôter tout mon stress.
- Ça va ? me demanda Ethan avec inquiétude. Tu
es blanche comme un linge.
Je voulus répondre quelque
chose, mais là encore, les mots refusèrent de sortir. Je déglutis plusieurs
fois, inspirai profondément pour me calmer, et je réussis enfin à articuler une
phrase.
- Où m’as-tu emmenée ?
- Nous sommes à Dankaria.
Ma grimace le fit rire. Un
rire doux et cristallin qui m’envoutait. Je me sentis terriblement idiote à
rester si molle d’hébétude.
- Tu es spéciale, reprit-il,
c'est difficile à expliquer mais... tu as… un don.
- Mais qu’est-ce que tu
racontes ?
Je commençai à me poser de
sérieuses questions. Et si tout cela n'était que le fruit d'une caméra cachée
pour une émission de télévision, ou un truc du genre ? Cependant, j'étais
forcée d'admettre que le regard d’Ethan était grave, et que manifestement, il
ne s’agissait pas d’une mauvaise blague…
- Ecoute, ce n’est pas à moi
de t’annoncer… qui tu es. Suis-moi, on va au château.
Je ne compris pas comment nous
étions arrivés ici, par quel moyen, et, surtout, pour quelle raison son visage
était devenu si sérieux dès qu’il m’eut demandé de le suivre. Nous parcourions
la vaste prairie à vive allure et une légère brise faisait onduler mes boucles
chocolat. Mon souffle s’accélérait à mesure qu’il pressait le pas, et moi je le
suivais, portée uniquement par mon incontrôlable et inexplicable attirance pour
lui. Il avait parlé d’un château. Je regardai autour de moi, mais rien
n’indiquait qu’un édifice aussi colossal se trouvait autour de nous. Comme s’il
avait lu dans mes pensées, Ethan s’arrêta et se retourna pour me faire face. Je
ne réussis pas à m’arrêter à temps, et je trébuchai contre lui.
- Oups. Pardon.
Sans même relever ma
maladresse, ses yeux d’or me dévisagèrent gravement.
- Je sais que tout cela te
semble… étrange. Je ne voulais pas que tu viennes ici, pas toi, mais Il m’a obligé. Il a insisté en disant que tu nous
serais d’une aide précieuse pour…
Il ne termina pas sa phrase et
son regard changea soudain. A présent il semblait triste et soucieux. J’avais
l’impression que ses pensées étaient parties loin d’ici. J’attendis, silencieuse,
qu’il reprenne ses esprits. Dans ma tête, mes pensées se bousculaient aussi.
Comment ça, pas moi ? Ethan ne me
connaissait que depuis la veille ! Du moins, je pensais de ne l'avoir jamais vu
avant cela.
- Désolé, dit-il enfin. Nous
sommes arrivés. Je vais devoir te laisser, je n’ai pas le droit de te suivre
ici…
La peur s’était emparée de
moi. Il voulait me laisser seule, dans un endroit que je ne connaissais pas.
Qu’il s’éloigne me rendait malade. Tant par crainte du lieu inconnu dans lequel
je me trouvais, que par le fait de le voir loin de moi. Je me sentais bête de
ressentir une telle chose alors que je ne le fréquentais que depuis quelques
heures, mais il représentait une certaine sécurité. Il m’attirait plus que de
raison, et je ne pouvais lutter contre lui. Il me regarda tendrement, prit ma
main dans la sienne, et me murmura un « à bientôt » dans le creux de l’oreille.
Je sentis mes jambes fléchir, mais je me ressaisis en le regardant s’éloigner.
- Par ici, me dit une voix à
ma gauche.
Je sursautai. Je ne m’étais
pas rendue compte de la présence de quelqu’un d’autre. En observant l’être qui
se trouvait à mes côtés, je retins un cri. C’était un homme deux fois plus
grand que moi, les cheveux noirs coupés courts, les oreilles en pointes, semblables
à celles des elfes. Sauf que ce n’était pas un elfe. Lui semblait… menaçant,
maléfique. Il était loin de la pureté rassurante des elfes. Ses yeux étaient
d’un rouge sang, sa peau blanche comme la craie. Il avait une voix rauque,
comme s’il n’avait pas parlé depuis longtemps. Son regard me fit frissonner. Sa
bouche, aussi rouge que ses yeux, prit la forme d’un rictus qui me donna des
sueurs froides. Il se retourna lentement, et je suivis son regard. Il leva les
mains, ferma les yeux, et prononça des paroles que je ne compris pas, dans une
langue qui m'était étrangère. J’étais terrorisée à présent. Je voulus m’enfuir,
courir loin de cet être abominable, mais j’étais pétrifiée. C’est alors que je
vis un mur se dresser devant nous. Il semblait apparaitre comme par magie,
dévoilant brique après brique. Je reculai de quelques pas. Ce que j’avais pris
pour un mur était en fait… le château !
Il se dressait à présent devant moi, impressionnant.
- Suivez-moi.
« L’homme Elfe » ouvrit une
lourde porte en chêne. Nous pénétrâmes dans un vaste hall éclairé par de
multiples chandelles. Tout en marchant, il s’adressa à moi.
- Pardonnez mon impolitesse,
je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Hector.
Sans mot dire, je marchai
derrière lui, et constatai que ses pas étaient tellement fluides qu’il semblait
flotter au-dessus du sol en pierre brute. Au fond du hall se trouvait un
escalier de marbre. Le dénommé Hector m’invita alors à passer devant lui. Je
n’étais pas confiante de le savoir désormais dans mon dos, mais je craignais
tellement qu’un refus ne me coûte la vie, que je préférai obéir. En haut des
marches il tendit son bras droit pour m’indiquer de suivre un couloir étroit et
faiblement éclairé. Mes yeux regardaient partout, mes sens étaient en alerte.
Nous arrivâmes devant une petite porte de bois. Hector resta derrière moi mais,
d’un geste de la main, ouvrit la porte sans même la toucher. Je le regardai,
ébahie, mener la marche à nouveau dans un autre couloir, plus sombre encore que
celui que nous venions de quitter. La lumière des torches suspendues était
bleue, rendant la silhouette d’Hector fantomatique. Nous bifurquâmes à gauche
et atterrîmes dans une vaste salle circulaire. Au milieu de la pièce trônait un
haut et élégant fauteuil de velours rouge. En l'observant de plus près,
j'aperçus une multitude de rubis incrustés dans le bois sombre, et la lumière
que laissait filtrer la fenêtre sur la gauche, faisait étinceler chaque pierre
précieuse. Face à cette imposante assise reposait un bureau massif, aux pieds
aussi larges que ceux d’un éléphant. Au fond se tenait une bibliothèque remplie
de vieux livres, et sur la droite, des tableaux et des tapisseries qui
semblaient dater d’une époque révolue. Je soufflai, soudain soulagée de
retrouver la lumière du jour.
- Valérian va arriver, prenez
place en l’attendant.
Il m’invita à m’asseoir sur un
des petits poufs rouges situés sous la fenêtre. Hector s’éclipsa avant que je
n’ai eu le temps de me retourner vers lui. Je n’avais pas envie de m’asseoir.
Mes jambes me portèrent vers la bibliothèque et je pris un livre au hasard. Il
était épais, abîmé.
- « Lois et magie des
hybrides. »
Magie ? Hybrides ? Je n’eus
pas le temps d’ouvrir le volume que je tenais entre les mains. Une forme
humaine se tenait derrière moi, je la sentis avant de la voir... Lorsque je
découvris le visage du nouveau venu, le livre m’échappa et tomba sur le sol
dans un bruit sourd. Il avait la même taille qu'Hector, mais dégageait une
prestance incomparable. Ses yeux étaient également rouges, mais ses cheveux
étaient blonds et lui arrivaient aux épaules. Il portait une toge noire, et je
remarquai, à son index droit, une troublante chevalière.
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