23 juil. 2012

Chapitre 2 : Hybrides


Je rouvris les yeux et regardai Ethan avec surprise. Ce dernier affichait toujours son sourire bienveillant. Je frottai mes mains moites l’une contre l’autre, comme si ce simple geste pouvait ôter tout mon stress.

-  Ça va ? me demanda Ethan avec inquiétude. Tu es blanche comme un linge.

Je voulus répondre quelque chose, mais là encore, les mots refusèrent de sortir. Je déglutis plusieurs fois, inspirai profondément pour me calmer, et je réussis enfin à articuler une phrase.

- Où m’as-tu emmenée ?

- Nous sommes à Dankaria.

Ma grimace le fit rire. Un rire doux et cristallin qui m’envoutait. Je me sentis terriblement idiote à rester si molle d’hébétude.

- Tu es spéciale, reprit-il, c'est difficile à expliquer mais... tu as… un don.

- Mais qu’est-ce que tu racontes ?

Je commençai à me poser de sérieuses questions. Et si tout cela n'était que le fruit d'une caméra cachée pour une émission de télévision, ou un truc du genre ? Cependant, j'étais forcée d'admettre que le regard d’Ethan était grave, et que manifestement, il ne s’agissait pas d’une mauvaise blague…

- Ecoute, ce n’est pas à moi de t’annoncer… qui tu es. Suis-moi, on va au château.

Je ne compris pas comment nous étions arrivés ici, par quel moyen, et, surtout, pour quelle raison son visage était devenu si sérieux dès qu’il m’eut demandé de le suivre. Nous parcourions la vaste prairie à vive allure et une légère brise faisait onduler mes boucles chocolat. Mon souffle s’accélérait à mesure qu’il pressait le pas, et moi je le suivais, portée uniquement par mon incontrôlable et inexplicable attirance pour lui. Il avait parlé d’un château. Je regardai autour de moi, mais rien n’indiquait qu’un édifice aussi colossal se trouvait autour de nous. Comme s’il avait lu dans mes pensées, Ethan s’arrêta et se retourna pour me faire face. Je ne réussis pas à m’arrêter à temps, et je trébuchai contre lui.

- Oups. Pardon.

Sans même relever ma maladresse, ses yeux d’or me dévisagèrent gravement.

- Je sais que tout cela te semble… étrange. Je ne voulais pas que tu viennes ici, pas toi, mais Il m’a obligé. Il a insisté en disant que tu nous serais d’une aide précieuse pour…

Il ne termina pas sa phrase et son regard changea soudain. A présent il semblait triste et soucieux. J’avais l’impression que ses pensées étaient parties loin d’ici. J’attendis, silencieuse, qu’il reprenne ses esprits. Dans ma tête, mes pensées se bousculaient aussi. Comment ça, pas moi ? Ethan ne me connaissait que depuis la veille ! Du moins, je pensais de ne l'avoir jamais vu avant cela.

- Désolé, dit-il enfin. Nous sommes arrivés. Je vais devoir te laisser, je n’ai pas le droit de te suivre ici…

La peur s’était emparée de moi. Il voulait me laisser seule, dans un endroit que je ne connaissais pas. Qu’il s’éloigne me rendait malade. Tant par crainte du lieu inconnu dans lequel je me trouvais, que par le fait de le voir loin de moi. Je me sentais bête de ressentir une telle chose alors que je ne le fréquentais que depuis quelques heures, mais il représentait une certaine sécurité. Il m’attirait plus que de raison, et je ne pouvais lutter contre lui. Il me regarda tendrement, prit ma main dans la sienne, et me murmura un « à bientôt » dans le creux de l’oreille. Je sentis mes jambes fléchir, mais je me ressaisis en le regardant s’éloigner.

- Par ici, me dit une voix à ma gauche.

Je sursautai. Je ne m’étais pas rendue compte de la présence de quelqu’un d’autre. En observant l’être qui se trouvait à mes côtés, je retins un cri. C’était un homme deux fois plus grand que moi, les cheveux noirs coupés courts, les oreilles en pointes, semblables à celles des elfes. Sauf que ce n’était pas un elfe. Lui semblait… menaçant, maléfique. Il était loin de la pureté rassurante des elfes. Ses yeux étaient d’un rouge sang, sa peau blanche comme la craie. Il avait une voix rauque, comme s’il n’avait pas parlé depuis longtemps. Son regard me fit frissonner. Sa bouche, aussi rouge que ses yeux, prit la forme d’un rictus qui me donna des sueurs froides. Il se retourna lentement, et je suivis son regard. Il leva les mains, ferma les yeux, et prononça des paroles que je ne compris pas, dans une langue qui m'était étrangère. J’étais terrorisée à présent. Je voulus m’enfuir, courir loin de cet être abominable, mais j’étais pétrifiée. C’est alors que je vis un mur se dresser devant nous. Il semblait apparaitre comme par magie, dévoilant brique après brique. Je reculai de quelques pas. Ce que j’avais pris pour  un mur était en fait… le château ! Il se dressait à présent devant moi, impressionnant.

- Suivez-moi.

« L’homme Elfe » ouvrit une lourde porte en chêne. Nous pénétrâmes dans un vaste hall éclairé par de multiples chandelles. Tout en marchant, il s’adressa à moi.

- Pardonnez mon impolitesse, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Hector.

Sans mot dire, je marchai derrière lui, et constatai que ses pas étaient tellement fluides qu’il semblait flotter au-dessus du sol en pierre brute. Au fond du hall se trouvait un escalier de marbre. Le dénommé Hector m’invita alors à passer devant lui. Je n’étais pas confiante de le savoir désormais dans mon dos, mais je craignais tellement qu’un refus ne me coûte la vie, que je préférai obéir. En haut des marches il tendit son bras droit pour m’indiquer de suivre un couloir étroit et faiblement éclairé. Mes yeux regardaient partout, mes sens étaient en alerte. Nous arrivâmes devant une petite porte de bois. Hector resta derrière moi mais, d’un geste de la main, ouvrit la porte sans même la toucher. Je le regardai, ébahie, mener la marche à nouveau dans un autre couloir, plus sombre encore que celui que nous venions de quitter. La lumière des torches suspendues était bleue, rendant la silhouette d’Hector fantomatique. Nous bifurquâmes à gauche et atterrîmes dans une vaste salle circulaire. Au milieu de la pièce trônait un haut et élégant fauteuil de velours rouge. En l'observant de plus près, j'aperçus une multitude de rubis incrustés dans le bois sombre, et la lumière que laissait filtrer la fenêtre sur la gauche, faisait étinceler chaque pierre précieuse. Face à cette imposante assise reposait un bureau massif, aux pieds aussi larges que ceux d’un éléphant. Au fond se tenait une bibliothèque remplie de vieux livres, et sur la droite, des tableaux et des tapisseries qui semblaient dater d’une époque révolue. Je soufflai, soudain soulagée de retrouver la lumière du jour.

- Valérian va arriver, prenez place en l’attendant. 

Il m’invita à m’asseoir sur un des petits poufs rouges situés sous la fenêtre. Hector s’éclipsa avant que je n’ai eu le temps de me retourner vers lui. Je n’avais pas envie de m’asseoir. Mes jambes me portèrent vers la bibliothèque et je pris un livre au hasard. Il était épais, abîmé.

- « Lois et magie des hybrides. »

Magie ? Hybrides ? Je n’eus pas le temps d’ouvrir le volume que je tenais entre les mains. Une forme humaine se tenait derrière moi, je la sentis avant de la voir... Lorsque je découvris le visage du nouveau venu, le livre m’échappa et tomba sur le sol dans un bruit sourd. Il avait la même taille qu'Hector, mais dégageait une prestance incomparable. Ses yeux étaient également rouges, mais ses cheveux étaient blonds et lui arrivaient aux épaules. Il portait une toge noire, et je remarquai, à son index droit, une troublante chevalière. 

- Bonjour Abigaïl.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire